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Vue de l'intérieur
27 janvier 2005

Arbeit Macht Frei

"Alors pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte: la démolition d'un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît: nous avons touché le fond. Il est impossible d'aller plus bas: il n'existe pas, il n'est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre. Plus rien nous ne nous appartient: ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures, et même nos cheveux; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas, et même s'ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas. Ils nous enlèveront jusqu'à notre nom: et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste.

Nous savons en disant cela, que nous serons difficilement compris, [...], mais que chacun considère en soi même toute la valeur, toute la signification qui s'attache [...] aux milles petites choses qui nous appartiennent et que même le plus humble des mendiants possède: un mouchoir, une vieille lettre, la photographie d'un être cher. Ces choses là font partie de nous presque autant que les membres de notre corps, et il n'est pas concevable en ce monde d'en être privé, qu'aussitôt nous ne trouvions à les remplacer par d'autres objets. Qu'on imagine maintenant un homme privé non seulement des êtres qu'il aime, mais de sa maison, de ses habitudes, de ses vêtements, de tout enfin, littéralement de tout ce qu'il possède: ce sera un homme vide, réduit à la souffrance et au besoin, dénié de tout discernement, oublieux de toute diginté: car il n'est pas rare, quand on a tout perdu, de se perdre soi même; ce sera un homme dont on pourra décider de la vie ou de la mort le coeur léger, sans aucune considération d'ordre humain, si ce n'est, tout au plus, le critère d'utilité. On comprendra alors le double sens du terme "camps d'extermination" et ce que nous entendons par l'expression "toucher le fond"."

Primo Lévi, Et si c'est un homme

Ce livre est bouleversant, il nous plonge à sa lecture dans un camps d'extermination. A lire ... vraiment.... 

On a du mal à y croire pourtant l'enfer était bien la bas...

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Commentaires
M
Je m'interesse toujours a cet ecrivain.<br /> J'ai son oeuvre , mais<br /> je n'ai pas encore fini...<br /> A propos du camp de concentration, il faut lire aussi les oeuvres de Viktor FRANKL, psychiatre viennois. Il nous apprend beaucoup sur ce que c'est la vie, l'amour, la sincerite, etc.
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