Ma Madeleine de Proust du 1er Novembre

Ma mère est une excellente cuisinère. Quand arrive l'hiver et le froid, elle aime nous mijoter de bons petits plats chauds le week end. J'aime me réveiller en sentant les odeurs de la cuisine monter jusque dans ma chambre. Combien de fois, j'ai petit déjeuner le dimanche dans une cuisine sans dessus dessous en cotoyant la tête d'une poule ou d'une pintade! Je râle toujours pour la forme mais au fond cela ne me dérange pas, car je sais que le midi, j'aurai un bon plat bien chaud dans mon assiette.

Ce matin, je me suis réveillée dans les effluves de viande et de choux. J'ai su tout de suite ce qu'elle nous préparait: une potée avec du choux et le tout arrosé d'une sauce tomate maison qui sent encore les tomates fraîches du jardin. J'adore ça. Ma mère le sait bien et elle sait aussi à qui ce plat familial me fait penser. Je ne peux m'empêcher de le dire à chaque fois. A mon arrière grand mère aujourd'hui décédée. Elle sait que ce plat est une de mes madeleines de Proust qui me rappelle mon arrière grand mère. Chose amusante ma madeleine s'appelait Madeleine! (et c'est également l'un de mes nombreux prénoms! ) Mon arrière grand mère était une bonne femme ronde qui aimait la vie et ses plaisirs. Elle était je trouve atypique, elle aimait les sports durs qu'elle suivait assidument mais aussi tout ce qui touchait les jeux de mots. Et elle jurait comme un charretier, même à 75 ans. Souvent le dimanche, elle venait passer la journée à la maison. A table, elle nous racontait des anecdotes sur sa vie. Je m'en rappelle de peu, j'étais encore jeune et je n'y prêtais pas assez attention. Maintenant, je m'en mords les doigts car j'aimerai tellement que ce midi, elle soit là parmi nous pour partager la potée... Elle nous raconterait comment elle a du abandonner la ferme paternelle durant l'exode et les longs jours de marche qui ont suivi alors qu'elle était enceinte de ma grand mère... comment, le coeur lourd, ils ont du laisser tous leurs animaux pour fuir...

Ma mère ne l'a pas fait exprès de faire ce plat en ce 1er novembre, jour des morts mais je suis heureuse de cette coincidence car je n'aime pas aller faire le tour des cimetières. On va voir des tombes. C'est abstrait et impersonnel. Mon arrière grand mère et tous ceux que j'ai perdus ne sont pas des tombes funèbres de marbre froid. C'étaient des personnes vivantes et je préfère m'en souvenir comme telles. Le 1er novembre, je pense à eux sans aller sur leurs tombes. Je préfère regarder des photos pour continuer à les faire vivre dans ma mémoire.

Comments

[maiko]

Je ne rend presque jamais visite au tombe de mon grand père mais de temps en temps je me rapelle de lui, et je pense à lui comme s'il était vivant. De toute façon, il est toujours vivant dans mon coeur. Donc je comprends bien ce que tu as écrit...